Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MA VIE C'EST UN PEU ÇA !

BÉTON

28 Mars 2023, 14:12pm

Publié par Guillaume

BÉTON

Pas loin de chez moi y’a des ponts pour que passent les automobilistes sur les autoroutes. Avant y’en avait un. Maintenant dans un rayon de 500 mètres y’en a deux. Parce qu’il faut aller vite. Il faut que le transit se fasse. C’est important le transit. Faut aller vite. Passer. Pas s’arrêter. Gagner du temps. Pour en faire quoi on sait pas trop. Mais quand même tu te rends compte maintenant en 4 heures on est à Barcelone ! Et quand on y allait en 5 heures et quart c’était si grave que ça…? Ben on a gagné plus d'une heure quoi ! C’est pas rien. Gagner du temps. Une époque du gain. De tout.

Chaque pilier de ces ponts est une ovale qui apporte une rondeur à cette architecture froidement bétonnée. Mais comme toujours la lumière apparait souvent là où on ne l’attend pas. Des artistes spécialisés en Street Art ont sublimé chacun de ces piliers. Alors à chaque fois que je passe en courant ou en marchant le long du Lez, j’aime regarder ces couleurs, ces personnages, ce qu’ils dégagent, leur regard. Un voyage dans un autre. Et la semaine dernière, en tram, je me suis rendu compte que je n'avais pas tout vu de ces peintures. De l’autre côté des ponts, il m’en restait à découvrir. Aller les voir de près.

Alors hier j’y suis allé. J’ai pris mes appareils photos et en avant Guingamp ! 

Et c’est toujours surprenant, après bientôt 10 ans dans ce quartier, de constater non seulement une évolution phénoménale, mais surtout l’emprise de ce monde moderne sur le territoire. À un moment je me suis permis un 360 dans un petit espace de no man’s land clôturé par des grillages qui servent essentiellement à donner envie de les franchir. Sous mes yeux les deux ponts, une ligne à haute tension, un autre pont encore pour la nouvelle ligne TGV, la nouvelle gare, l’avenue de la mer (4 voies), deux autres routes, la ligne de tram, les avions qui atterrissaient à quelques kilomètres, bref, tout ça dans un rayon d’un kilomètre. Étourdissant ! Parce que là je vous parle même pas des immeubles qui fleurissent ! À quel point on s’entasse c’est troublant ! J’ai même découvert une maison isolée. Coincée entre l’autoroute, l’avenue de la mer, les pylônes  électriques, les feux, le flot des voitures. Isolée et désolée je dirais. C’est comme ça que je l’ai vue cette maison. En perdition. Plus là pour très longtemps. En phase terminale. Ce qui ne vaut plus rien à cette heure se transformera bientôt en or pour les prochains constructeurs, ceux qu'on appelle les investisseurs. Finalement la magie existe. Je vis dans un conte et je l’avais pas compris. Pas vu. Le miracle du business.

Pour atteindre une partie des piliers faut dénicher l’entrée du terrain vague. Entre deux routes. Normalement y’a ces grillages qui empêchent mais je savais la faille. L'entrée. Y'en a toujours une. Je l’ai repérée facilement. Et là ce que j’ai vu en premier c’est pas les peintures non. J’ai aperçu un duvet et quelques sacs. Dans ce cas-là je ressens toujours la peur de déranger. Bien plus encore que dans ces quartiers bourgeois où j’aime faire le curieux aussi. Surtout que ce duvet était rempli. À chaque fois un pincement. Je me projète à la place de. Je me demande comment on tient sur la distance. Là on ne parle plus de marge par rapport à la société, non. Ils ont quitté le terrain. Ne font plus partie du jeu. Et forcément on les oublie. À chaque fois je me demande si c’est possible un retour en arrière. Mentalement, physiquement, 

Alors j’ai essayé de respecter cet espace. Le sien. En allant voir plus loin les derniers piliers inconnus. Sans faire de bruit.

Puis en observant ces créations d’une ampleur assez conséquente, quatre mètres de hauteur, j’ai commencé à faire attention aux sons, aux bruits. Fascinant. J’étais dans un bateau. Du bruit tout autour. Des craquements de métal. Des bruits de moteur étouffés. Le passage des roues. Sorte de Titanic terrestre. Tous ces remous sonores. Tout un monde qui grince.

Mon regard s'est tourné le duvet au loin. Je me disais mais comment il fait ? Ou elle d’ailleurs. Est ce que ça berce ? Est ce que ce mouvement permanent peut rassurer ?  

J’ai mis en route mon dictaphone pour garder une trace. Envie d'y ajouter mettre quelques notes. Faire un collage. Et pourquoi pas retourner sur les lieux pour faire une vidéo...

La poésie sur le béton. Peut-être l'unique moyen de survie pour ce corps endormi ?

/////////////////////////////////////////

ndlr : si vous avez envie de détails concernant ces photos argentiques, les voici. La double image du haut a été prise avec un petit KODAK EKTAR H35 HALF FRAME CAMERA, pellicule Kodak Tri‑X 400. Celles du bas avec un LomoApparat (Lomography), pellicule Ilford HP5+. Vous savez tout !

Complément d'infos : après quelques recherches j'ai trouvé l'idée générale de ce projet en 2017 : "La volonté : changer le regard sur le street-art, souvent perçu comme une dégradation de l’espace urbain." Vous avez le lien vers l'article en bas de page, avec le nom des artistes.

BÉTON
BÉTON

Petit bijou de cette chanteuse qui mérite le détour. Et l'arrêt. Certaines périodes j'écoute ses albums en boucle. Ce portrait à la gouache, très organique, est assez envoutant...

BÉTON
Commenter cet article