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MA VIE C'EST UN PEU ÇA !

QUAND ON N'A RIEN À RACONTER

21 Février 2023, 16:30pm

Publié par Guillaume

QUAND ON N'A RIEN À RACONTER

Quand on n’a rien à dire et du mal à se taire,
On peut toujours aller gueuler dans un bistrot

© Bernard DIMEY

Comme il ne se passait rien d’extraordinaire dans ma vie j’ai eu envie de vous en parler. Histoire de changer mes habitudes.

J’aime bien l’idée de rentrer chez moi en me disant tiens t’as rien vécu d’intéressant ou d’anecdotique aujourd'hui donc tu devrais bientôt sombrer dans l’ennui définitif. Alors je prends mon critérium et je commence à décrire une situation dont la banalité frôle l’excellence. Juste pour voir à quel point le vide remplit ma petite existence. Voici donc une tentative désespérée pour vous faire croire qu’un artiste ne peut connaître que le sublime.

Je venais de passer une heure environ dans ce magasin « Matériel de sport Outdoor », un espace plutôt calme. À vrai dire, de nos jours c'est presque troublant une boutique sans écrans ni musique dans une zone commerciale. Des rebelles ! Ce qui m’allait bien parce que je supporte de moins en moins ces agressions visuelles et sonores. Deux filles et un garçon pour assurer la vente. Très agréables. À l’image de ce qu’on vient rechercher par ici, le côté nature tout simplement. Pas dans l'esprit force de vente, toujours derrière votre épaule à guetter la moindre faille, à vous harceler pour vous aider à décider. À consommer un max quoi. Peu importe la manière si on peut faire raquer, on le fait ! Et quand on a devant soi une proie telle que la mienne, le terrain est très, très fertile. Ce qui m'empêcherait presque d'aller dans les commerces alors que je revendique ce besoin d'échanges, de contact humain ! Est ce qu'on pourrait sanctionner, voire éliminer toutes ces voix qui continuent de pratiquer les "mais c'est le dernier qu'on a en stock et on n'sera plus réapprovisionnés avant longtemps" ou "ne tardez pas trop parce qu'il y a déjà 2 personnes sur le coup" ou "c'est l'idéal pour vous" ? Oui pour une bonne partie des commerçants, votre idéal correspond très souvent à ce qui se fait de plus cher dans le magasin. Probablement un hasard. Ou une coïncidence heureuse. Pour les uns.

Au moment de passer à la caisse (exceptionnellement j'avais réussi à prendre une décision conséquente pour mon portefeuille en mois d'une heure : notez l’exploit pour qui a fait de l'indécision une doctrine personnelle !), la vendeuse qui m’avait conseillé était occupée avec quelqu’un d’autre : quelle horreur ! Quelle infidélité ! Une nouvelle cliente venait d’arriver. Et celle-ci avait rapidement fait sentir sa présence quand nous étions sur la mezzanine (qui fait partie du magasin, évitons les confusions et autres divagations de votre esprit). Elle n’était pas là depuis plus de 30 secondes la nouvelle, que déjà elle hurlait pour savoir si y’avait quelqu’un pour s’occuper d’elle. Bon, elle hurlait pas vraiment, mais sa demande était assez ferme et montrait que le client est roi faut pas déconner non plus. Cliente reine dans ce cas précis. Et comme j’aime bien observer un peu, mais ça maintenant vous le savez si vous me lisez régulièrement, sa tenue et sa posture ne pouvaient masquer un rang social certain. Et fort respectable qui plus est.

Madame venait pour un sac de couchage. Pas pour elle, pour son mari. Apparemment Monsieur en avait besoin sous peu (2 jours si j’ai bien compris) mais ne s’en était pas occupé donc elle le faisait à sa place, en soupirant, mais elle le faisait quand même et nous le disait donc cette femme était quelqu’un de bien qui prenait soin de son mari comme une femme doit le faire. Elle était longue cette phrase mais en même temps je la trouve en communion avec ce discours assez affligeant. Triste aussi. Le mariage parfait avec l'ennui de sa prose. 

La vendeuse, gênée, me regardait. Elle tente alors d’appeler son collègue pour m’encaisser (oui, dit comme ça c’est bizarre parce que notre relation était plutôt bonne mais dans sa bouche « pour encaisser Monsieur » ça sonnait mieux). Je peux pas il répond, je suis avec un client. Madame ça vous dérange pas si j’encaisse Monsieur avant de vous montrer les articles en haut ? J’ai le temps lui dis-je avec le sourire. Surtout que je venais d’apercevoir l’attitude de cette gente dame suite à la question. Son "non" n’était pas des plus convaincants, elle m'avait lancé un regard lui permettant de constater qu'elle avait affaire à un individu genre saltimbanque pas très fréquentable. Boucles, tatouages, l'horreur. Avant de monter à l’étage la vendeuse lui parle des tarifs. Plusieurs centaines d’euros. Oh la la non, c’est même pas la peine que je monte ! Surtout que c’est pas sûr que ce soit ça qu’il veuille… J’adore. 

Là-dessus, je peux donc régler mes achats. Et elle reste pour continuer à nous parler un peu de sa vie, que quand même elle vient pour lui alors que ça fait des semaines qu’il le sait qu’ils vont aller faire cette rando équestre en itinérance et qu’il faudra des sacs de couchages plus adaptés aux températures de l’hiver mais non Monsieur n’a toujours pas bougé et c’est dans deux jours !!! Quand même hein ? 

- Mais Madame il est pénible votre mari lui suggère-je légèrement taquin… (si vous arrivez à prononcer cette phrase vous êtes prêt.e pour le concours d'éloquence)

- Comment ?

- Ben faut lui dire qu’il est pénible non ? Puis tant pis s’il a froid ! Il avait qu'à venir lui-même !

- Oui hein ? 

Elle a fini par comprendre que je plaisantais. C'était déjà ça. Une petite victoire, j'ai vu son sourire...

Notez que si je m’étais exprimé dans un langage plus coloré que j’affectionne, j’aurais plutôt dit : « Ben il est pénible le vieux ! Pourquoi vous êtes venue, vous êtes pas sa mère ? Il est majeur non ? Moi à votre place je me serais régalée de le voir se geler les couilles déjà ratatinées et transformées en raisins secs par les heures de selle ! » Mais je me suis contenu. Parfois il m’arrive d’oser la délicatesse. Pas par conviction non. Juste par tranquillité. 

Mais c’est vrai que ça me renvoyait en pleine gueule tous ces couples que je qualifierais d’à l’ancienne, bien que je ne sois pas certain que la mode soit totalement passée, dans lesquels la femme et la mère se confondent. Et à observer il y a cette saveur pathétique qui ressort. Et qui effraie. 

Finalement, c’est pas si mal quand il ne m’arrive rien. En cherchant bien on finit toujours par dénicher un détail ou deux. 

Tiens c’est amusant, ça me rappelle cette expression qui parle d'une paille dans l’oeil du voisin… Heureusement j’ai pas de poutre chez moi. Ouf !

Un pèlerin, c'est quelqu'un qui tire son diable sur les chemins pour le faire maigrir.

© Christian BOBIN - La nuit du coeur - 2018

Il faut marcher, il faut marcher pour trouver le ruisseau dessous la mousse / Des ailes, des ailes aux pieds quand la terre est trop aride / Des ailes, des ailes au coeur quand le sourire se noie au fond des rides / Des ailes par pitié, des ailes par pitié / (...) L'occasion de rendre hommage à ce poète qui vient de disparaître et qui était ami avec l'autre Philippe, celui dont je vous ai parlé par ici...

L'esprit du chemin est bien là, dans ce désir de parcourir le monde pour le fuir et de retrouver less autres là où il n'y a personne. "Les hommes, écrivait Alphonse Allais, aiment se rassembler dans les déserts..."

© Jean-Christophe RUFIN - Immortelle randonnée

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