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MA VIE C'EST UN PEU ÇA !

AFTERSUN

21 Février 2023, 20:39pm

Publié par Guillaume

AFTERSUN

Avant de vous confier mes impressions et autres émotions laissées par ce film, une précision me semblait importante...

En effet, je ne vais pas laisser planer le suspense, attendre la fin de la page pour vous dire si cette oeuvre m’a plu ou non. La réponse est oui. Mais c’est un oui qui mérite quelques éclaircissements. Et si jamais mon enthousiasme était communicatif je préfère vous mettre en garde sur un point : cet AFTERSUN n’est pas facile d’accès. Le film met du temps à s’installer et quelques plans assez longs, plus que lents dans la première moitié pourraient rebuter les moins cinéphiles d’entre vous. N’y allez pas pour du grand spectacle : c’est du cinéma d’introspection. Et je peux vous garantir que l’effort vaut le coup. Oh que oui. Faut juste aller au-delà de cette fausse banalité. 

Et à cet instant je réalise qu’en glorifiant un film pas facile, je fais un petit sous-entendu. D’un genre que je n’aime guère pourtant. Comme si j’avais carrément écrit « moi j’ai les compétences pour aller voir ça » ! L’aptitude à. Quelle suffisance hein ? Vous avez mille fois raisons. Je suis en train de me transformer. À l’image de ces nombreux chroniqueurs et autres chroniqueuses qui se la racontent tellement ! Ils s’écoutent parler, les émissions deviennent des joutes verbales et même quand ils écrivent je crois qu’ils s’écoutent encore…

Alors je vais tenter de me rattraper autrement. Avec un angle. Important au cinéma l’angle. Justement pendant tout ce film qui a mis du temps à venir me chercher, je me demandais si ça allait suffire l’histoire de ce duo père-fille. Mes projections suffiraient-elles en effet devant une certaine forme d’austérité.

L’entrée en matière est singulière. On voit sur une courte vidéo, avant le long métrage, les deux acteurs qui se présentent en regrettant de ne pouvoir être à nos côtés mais qui espèrent qu’on passera un bon moment… On se sent un peu comme à la maison. Comme s’ils s’étaient filmés avant de balancer une vidéo sur les réseaux sociaux.

Je m’étais préparé à subir quelques secousses émotionnelles en faisant ce choix. Pourtant sur les trois premiers quarts d’heure, une sorte de monotonie s’était installé et me laissait sur le bord. Il me fallait un détail, une scène, une réplique pour que ça arrive. Je me disais tiens finalement il ne va pas tant t’émouvoir que ça ce film. C’était sans compter sur la scène du Karaoké… Sans prévenir le volcan s’était mis en éruption. Une soirée Karaoké telle qu’on l’imagine dans un club med de série B, kitsch au possible. Mais elle, c’est pour ses 11 ans qu’ils sont venus là alors elle a envie. Puis quand leurs noms sont annoncés au micro, le père découvre les intentions de sa fille. Elle s’est chargée de l’inscription. « Mais si Papa depuis que j’ai 5 ans on le fait toujours ! » Il a bu beaucoup de pintes toute la soirée. Il est à côté. De lui. Mais elle descend sur scène. Ne se dégonfle pas, espérant qu’il la rejoindra. Alors elle commence. Losing my religion, R.E.M. Lui ne bouge pas mais la regarde, l’écoute. Apparemment impassible. Elle continue, insiste, chante faux. Très faux. I thought that I heard you laughing, I thought that I heard you sing, I think I thought I saw you try… Ces paroles qui résonnent. Qui prennent une autre dimension. Qu’elle chante en le regardant… Puis cette gamine est bouleversante dans cette scène ! Le regard sur son père, suppliant, mais sans rien lâcher. Un regard qui en dit long sur le malaise de cette soirée. Leur incapacité à y être en même temps. Déchirant. Comment fait-on pour jouer avec une telle justesse à cet âge ? Fascinant. 

Les plans sont inventifs. Artistiques. Parfois juste des ombres, des reflets, un personnage dans le coin en bas à droite de l’écran qu’on aperçoit quand il bouge dans le miroir. Une succession d’images minimalistes empreintes de poésie et de mélancolie. Et de silences.

11 ans. Apparemment un âge charnière dans ce récit, dans leur histoire. D’ailleurs elle lui demande à son père comment c’était lui quand il avait 11 ans. De quoi il se souvient ? Quel cadeau il avait eu ? Justement il n’en avait pas eu spontanément, c’est son père qui l’avait emmené en choisir un au magasin : un faux téléphone rouge. Bon choix lui a-t-elle répondu. Rien que dans ce dialogue d’une insignifiance apparente, appuyé par des silences, ses fêlures à lui semblent immenses. On les devine. On ne saura pas, mais on devine qu’il est cabossé le gars. Qu’il aime sa fille par dessus tout mais qu’il n’y arrive pas. Pas autant qu’il le voudrait. Alors il tente des choses comme ces vacances au soleil turque où ils vont s’ennuyer à deux en participant à toutes les activités touristiques « de base » proposées par les lieux. Classique. Déprimant.

Et si j’avais un plan à retenir, un seul, je garderais la scène chez le marchand de tapis. L’une des plus courtes pourtant. Mais visuellement somptueuse avec tous ces coloris ! Quelle harmonie avec les personnages. Ces tapis pliés, entassés, occupant tout l’espace vertical et horizontal apportent une merveille de photographie ! Il n’y en a pas deux pareils de ces tapis. C’est ce qu’il explique à sa fille. Et cette parabole me fait aimer un peu plus ces minutes là. Chaque tapis a son histoire…

Ce temps qui passe, ces peurs qu’on a. Ce qui se joue, c’est ça pour moi le thème du film. En avoir conscience. Le père le sait. La fille sans doute un peu mais elle le réalise vraiment en visionnant les vidéos 20 ans plus tard. Ce qui se termine. Ce qui ne reviendra pas. Jamais.

Un père poignant. Perdu et poignant.

En sortant de cette salle, légèrement remué par ce que je venais de voir (apparemment je n’étais pas le seul même si nous étions peu nombreux), une question m’est revenue en tête. Celle de la critique. Si on n’a pas vécu ça en tant que parent ou enfant, ce qui est le cas apparemment pour cette jeune réalisatrice, comment avoir le même regard ? Un minimum d'objectivité ? Comment comprendre le propos tout simplement...? Quant à celles et ceux pour qui  la vie en général ou le temps en particulier ne posent aucun problème, n'amènent aucune question, c'est sûr que cet AFTERSUN sera difficile à saisir... Ils passeront à côté, c'est certain. Mais ce n'est pas grave. Le plus important dans une oeuvre c'est sa force. Ne pas chercher la complaisance mais la cohérence. Et quand ça fait mouche avec le public, ça fait un bien fou ! 

Puis on se sent moins seul. Et ça...

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LE PITCH DU FILM (Allociné) : Avec mélancolie, Sophie se remémore les vacances d’été passées avec son père vingt ans auparavant : les moments de joie partagée, leur complicité, parfois leurs désaccords. Elle repense aussi à ce qui planait au-dessus de ces instants si précieux : la sourde et invisible menace d’un bonheur finissant. Elle tente alors de chercher parmi ces souvenirs des réponses à la question qui l’obsède depuis tant d’années : qui était réellement cet homme qu’elle a le sentiment de ne pas connaître ?

Réalisation : Charlotte WELLS ©2022 // Les deux acteurs principaux : Paul Mescal et Frankie Corio //

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ndlr : bonne nouvelle pour les montpelliérain.e.s, il sera diffusé quelques semaines encore à l'Utopia, regardez juste en dessous...

AFTERSUN
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