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MA VIE C'EST UN PEU ÇA !

LA FILLE DU MÉTRO

19 Janvier 2023, 19:26pm

Publié par Guillaume

LA FILLE DU MÉTRO

Ce titre pourrait vous rappeler une chanson paillarde rendue célèbre par Bruant (oui le nom est bien orthographié, rien à voir avec Patrick) et plus près de nous par Renaud. Sauf que le nom exact de cette berceuse qui n’en est pas une, c’est « la jeune fille du métro ». Si vous aimez le grivois, allez écouter. Ça pourrait vous faire sourire une minute ou deux. Sauf si votre pudeur l’interdit. 

Je ne vous parlerai pas d’elle. De l’héroïne de la chanson. Mais je vais quand même vous parler d’une fille dans le métro. D’une jeune femme. Mes souvenirs me feraient plutôt écrire à cet instant « jeune femme ». 

Émotionnellement ce voyage fut intense. Une scène bouleversante. Pourtant on ne s’est pas parlé. Ça a duré quelques minutes tout au plus. Qui m’ont semblé longues. Si longues. Je ne sais rien de son nom, ni de son prénom. Juste le souvenir de ce visage masqué. Parce qu’en plus de Paris, on traversait une période COVID. Ne restaient donc que les yeux, les regards. La partie la plus intense du corps finalement. Ce reflet qui dévoile beaucoup. Parfois trop. 

J’étais assis sur un strapontin pas loin de la porte coulissante. Elle aussi avait choisi un siège pliable, juste dans la diagonale en face de moi. Au départ je n’ai pas vraiment fait attention à elle si ce n’est cette apparence très classe. La façon de se tenir, ses vêtements à l’élégance raffinée et discrète. Belle quoi. Sans posture de séduction. 

Elle parlait au téléphone. Rapidement j’ai compris qu’il se passait quelque chose de dramatique. Son regard ne savait plus ou aller, les larmes arrivaient peu à peu, incontrôlables. Pourtant je voyais bien qu’elle cherchait à les contrôler. Sa discussion terminée, elle ne savait plus où elle en était, ça se voyait. Nos regards se sont croisés.  J’essayais de ne pas me montrer trop curieux ou insistant pourtant je ne voyais qu’elle et sa détresse.

Puis les sanglots sont arrivés. Masqués eux aussi par le bruit de la rame, des rails, du monde. Et mon impuissance avec eux. Je ne faisais aucune hypothèse sur les causes de sa profonde tristesse. Je m’en fichais. Mais je voyais cette femme perdue au milieu d’une foule indifférente. Les sanglots cachés un peu par le masque, mais si mal… Tout un corps qui crie, qui spasme. Émotions impossibles à dissimuler. Le pire lieu pour un passage à vide de cette ampleur. Entourée de femmes et d’hommes ayant chacune chacun un coeur, enfin normalement, et personne pour la serrer fortement, lui dire que ça va aller même si on sait que pendant 10 minutes ou 10 ans ça n’ira pas après un tel événement.

Impuissant. C’est le mot. 

Qu’est ce qui nous retient ? Qu’est ce qui fait qu’on n’y va pas ? Qu’on ne la distribue pas à tour de bras cette tendresse ? Qu’est ce qui empêche l’étreinte ? Moi à sa place, quelqu’un serait venu pour me serrer fort, juste me serrer fort, je crois que ça aurait permis un support passager à ma douleur. Une épaule. Un réconfort. Un peu d’abandon. De confiance. Consoler et être consolé. On a besoin de quoi d’autre ? 

Je suis sorti quelques stations plus tard, elle toujours sur son strapontin avec mon regard comme soutien. Si elle l’a perçu. Mais j’en suis pas certain. 

Heureusement je ne la laissais pas seule. Avec son chagrin.

 

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NDLR : pour la petite histoire "La jeune fille du métro" est en réalité une chanson nommée "Idylle souterraine" (paroles : Louis Hennevé / musique : Gaston Gabaroche). Créée par le chanteur Jean-Loup (alias Jean Rousselière), elle a été enregistrée en mars 1933. 

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