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MA VIE C'EST UN PEU ÇA !

L’EMBELLIE L'EMBALLAGE

9 Février 2023, 16:39pm

Publié par Guillaume

L’EMBELLIE L'EMBALLAGE

Je ne crois pas être connu dans le monde entier. Même si une réflexion de Pierre Assouline dans la formidable émission d’Eva Bester m’a rassuré sur le sujet.

L’Embellie. C’est le nom de cette émission sur France Inter. Avant ça s’appelait Remède à la Mélancolie mais apparemment il fallait changer le nom. Parce que le contenu reste très proche. Comparons rapidement la question d’ouverture posée à tous les invités. Dans le monde d’avant : « Quel est votre rapport à la mélancolie ? » Maintenant : « Êtes-vous content(e) d’avoir été mis(e) au monde ? »

Comme aurait dit un philosophe qui a bercé mon enfance pendant ces France-Allemagne et autres France-Portugal : « Mon cher Jean-Michel y’a pas la ligne droite de Longchamp ! » Là non plus concernant l’écart entre ces deux questions. Moi j’y entends la même recherche introspective. En tout cas le superficiel n’a pas pris le dessus. Sachant que la durée de l’émission, sa place dans la grille des programmes, le style des échanges, les parenthèses musicales et l’animatrice n’ont pas changé… Alors quelle est l’idée ? 

Ne pas effrayer avec certains mots j’imagine. Avec l’accroche. Des fois qu’on afficherait tout de suite un thème qui touche à l’affect, à l’émotion, qui pourrait aller gratter là où on n’a pas trop envie. Alors on rassure. On change l’emballage. Ce qui a le don de me fatiguer un peu. Contourner. Toujours. 

Faut dire que ce problème je le connais assez bien. Je l’ai croisé tout au long de mon parcours artistique quand il fallait présenter mon projet. Ma proposition étant intimiste avec des climats plutôt mélancoliques, j’ai vite compris que ça accrochait peu les foules. Autour de moi, des camarades affichaient un adjectif à côté de ce mot chanson : rock, fantaisiste, festive (mon préféré), engagée (ça c’est bien, surtout si on s’affiche de gauche, j’ai même pensé à un moment prendre le créneau « de droite » très peu pratiqué… puis non), pop, etc. Ce qui ne garantit en rien qu’on ressortira de là avec du soleil dans les yeux, mais avant d’y aller au moins on se donne une chance voire une raison sérieuse dans le cas de la chanson engagée. Alors que le gars qui se dévoile et qui l’annonce, ou qui dit juste qu’il fait de la chanson c’est quand même très inquiétant il faut le reconnaître.

Pourtant, toutes ces années, j’ai entendu après mes concerts des Vous nous faites du bien ou On ressort de là avec le sourire ou Avec vous c’est chaleureux, on est bien, allez une petite dernière Je m’attendais vraiment pas à ça, pas à toutes ces émotions, même le rire ! Je pensais venir à un concert et c’était un spectacle ! Bref, comme si « être dans l’émotion » donnait forcément un résultat à la noirceur effrayante. Je pourrais citer pas mal de chanteurs ou chanteuses de Rap, de Rock, qui ne font pas dans le youpiflagadatsoingtsoing (nom masculin ayant peu de synonymes). Loin s’en faut. Mais y’a la batterie, le gros son, du flow, des bonnes basses, tout ce qu’il faut pour se dandiner et éventuellement boire un coup en même temps. Alors que le contenu n’est pas si solaire que ça. Du tout. Oh que non ! À côté, mes chansons c’est  presque la bibliothèque rose. C’est pour dire.

Autre illustration de cette tendance. Je viens de visionner la Saison 6 de THIS IS US. Oh cette série ! Elle atteint des sommets émotionnels… Jamais vu un truc pareil sur la durée. Jamais. On suit cette famille dans le temps, son histoire, et faut dire que c’est bouleversant. Mouchoirs indispensables si vous êtes sujet à l’épanchement lacrymal. Si je devais proposer un mot : intense peut-être ? Mais jouissif également par la qualité des dialogues, le montage, les images, la restitution des époques, le jeu, l’humour second degré, l’évolution des personnages qui les rend attachants à un point ! Ils font presque partie de votre vie quand vous êtes accro. Vous l’aurez compris, on n’a pas affaire à une coquille vide. Pourtant… c’est un succès mondial ! Mondial oui. Alors qu’elle ne repose que sur ça cette série : sur l’émotion. Ce succès n’est donc pas un hasard. Sorte de catharsis collective nécessaire. Moi devant cette oeuvre, je me sens vivant. Tout simplement vivant. Je vibre, me passionne.

Et en faisant attention aux mots qui servent à étiqueter THIS IS US sur Amazon Prime, le quatrième c’est pessimiste… Rien que ça. Voilà qui donne envie. Mais je sens bien pourquoi. Pour l’intensité émotionnelle, les thèmes, la fin pas très happy end, la maladie, la mort… Ah la mort. Presque tabou ce mot. J’y reviendrai dans un autre papier. Reste que cette famille Pearson, si on a autant de plaisir, d’empathie à la suivre, c’est qu’on s’y retrouve dans leurs questionnements. Que ça ressemble à la vie en vrai. Qu’on y va tous dans la tombe, que nos parents on va les perdre, qu’on va y passer aussi, nos enfants pareil, qu’on a laissé s’échapper des choses, etc.

Dans la même idée l’émission THE VOICE. Je ne m’étais jamais attardé à ce show jusqu’à il y a une paire d’années. Puis j’ai eu envie de savoir ce qu’il en était. Avant de critiquer c’est mieux de regarder. Sinon on fonce dans des raccourcis inévitables. Ce qui permet de gagner du temps mais de monter d’un cran sur l’échelon de la connerie et autres lieux communs collectifs. Bref, je tenais juste à appuyer sur l’une de ces cordes collectives. Vous savez celle de la sensibilité. Pendant ces 2 saisons, les plus grosses émotions du jury ou du public, les plus gros coups de coeur sont venus à chaque fois de l’épure. Du minimalisme absolu. Un piano une voix, une voix une guitare. Et les poils. Et tout le monde d’accord pour se retourner, vibrer, essuyer ses joues salées. Pourtant c’est toujours le show qui doit gagner. Toujours. Les voix qui envoient du lourd, la course aux décibels, des lumières plein la gueule, des tonnes de décor autour, etc. Faut remplir. Combler les creux, les vides, les silences. Nos peurs finalement.

Une p’tite dernière pour la route ? Barbara PRAVI à l’Eurovision on en reparle ? Combien de journalistes et autres chroniqueurs de mes deux pour prévoir l’échec d’une chanteuse « à l’ancienne » ? Alors quoi ? Pourquoi est ce qu’on n’assume pas le bien que nous font ces chansons, ces films, ces séries ? 

Je réalise que je me suis totalement égaré. Ma première idée s’est éloignée. Celle de Pierre Assouline. Il disait que cette expression « connu.e dans le monde entier » était un gros raccourci, qu'elle n'avait pas de sens. Il eut été mieux de dire "dans un grand nombre de pays ça a été un succès"

Alors moi ça me plait de penser que je suis aussi peu célèbre que Bruce Springsteen, Britney Spears ou Amel Bent dans certaines zones de notre globe. C’est important ce qui rassure. 

D'ailleurs faut rassurer. Tout le temps. Au détriment de l’honnêteté. On peut pleurer tout seul dans son coin, mais faut pas le dire. Pas le montrer aux autres. Alors on remet son masque, son emballage. Mais à l’intérieur on reste les même.

 

L'une des pépites de la BO de THIS IS US. Une merveille folk. Le minimalisme touchant.

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